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Delphine Costier - artiste plasticienne

Dernière mise à jour : 4 nov.

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Delphine Costier, le souffle du monde


Chez Delphine Costier, tout commence dans le silence. Ce silence qui n’est pas absence, mais écoute. Écoute du monde, des matières, du souffle invisible des choses. Son oeuvre est un espace de respiration, une traversée lente où chaque geste devient une manière d’habiter le temps. Rien ne s’y précipite, tout y advient à son rythme, dans une économie de moyens qui révèle l’essentiel : une trace, une lumière, une vibration.


Son œuvre s’enracine dans une profonde conscience du vivant et dans le besoin de ralentir. Peindre devient une forme de méditation, un acte de présence au monde. Delphine ne cherche pas à représenter, mais à révéler ce qui persiste dans l’imperceptible. Elle crée dans un rapport physique à la matière, presque chorégraphique. Le geste est précis, mais ouvert, mesuré, patient. Il épouse la lenteur du processus, se répète, se transforme, comme un souffle qui se pose et se retire.


Le blanc, omniprésent, est pour elle un langage à part entière. Loin d’être neutre, il contient toutes les couleurs, toutes les mémoires. Il est le lieu de l’apparition, celui de la disparition, un seuil entre la lumière et l’ombre. Dans ses diverses séries ce blanc vibrant dialogue avec les transparences, les épaisseurs, les matières qu’elle travaille avec soin. Les surfaces deviennent des peaux, des territoires sensibles, traversés par des micro-variations de texture et de lumière. Nous y lisons les passages du temps, les respirations de la matière ou encore la mémoire des gestes.

Eclore 1947 réalisé en 2022 ©SarahCarp
Eclore 1947 réalisé en 2022 ©SarahCarp

La série L’Instant présent évoque la lente transformation du monde. Les couches superposées rappellent les mouvements de l’eau et du vent, la fragilité des éléments naturels. Chaque oeuvre porte la trace d’un effacement, d’une disparition lente, mais aussi d’une renaissance. Cocons, en revanche, parle de l’abri, de la régénération, de ces lieux où la vie se reconstitue. Delphine y mêle les fibres, les fils, les tissus recyclés, les fragments de tissus familiaux. Chaque matériau, porteur de mémoire, devient témoin d’une continuité entre le passé et le présent. Ces fils suspendus, parfois laissés visibles, évoquent la trame du vivant, le lien, la persistance des racines.


Sa peinture se construit autour d’un dialogue entre le contrôle et le lâcher-prise, entre la rigueur et l’intuition. Elle cherche l’équilibre juste, celui qui permet au geste d’exister sans dominer. Peindre, pour elle, n’est pas produire une image, mais atteindre un état d’être, comme elle se plaît à le dire. Dans l’atelier, tout se fait lentement. Le pinceau effleure, frotte, retire, ajoute. Le temps s’étire, le regard se dépose. Cette lenteur est un acte de résistance : un refus de la frénésie, une manière de préserver un espace intérieur.


Delphine choisit ses supports avec la même attention. Elle privilégie les matériaux recyclés, les papiers déjà marqués, les textiles récupérés. Ils portent la trace du monde, des usages, de la vie quotidienne. Rien n’est laissé au hasard, mais tout reste ouvert à l’accident. Elle parle de ses toiles comme de lieux respirants, d’organismes vivants qui continuent à évoluer une fois terminés. La peinture n’est jamais figée : elle se poursuit dans le regard de celui qui la contemple, dans l’air qu’elle traverse.


Il y a, dans sa démarche, une volonté d’apaisement, mais aussi une profonde lucidité sur la fragilité de l’existence. Chaque œuvre est une tentative d’équilibre entre la solidité et l’effacement, entre la mémoire et l’oubli. Les traces qu’elle laisse sur la toile ressemblent à celles que le temps imprime sur les choses, discrètes et persistantes. Delphine peint la lente métamorphose du monde, l’écoulement du temps, la beauté de ce qui disparaît.


Ses œuvres nous invitent à ralentir, à contempler, à prêter attention à ce que nous ne voyons plus. Dans ce face-à-face silencieux avec la matière, nous découvrons une autre manière d’exister : plus douce, plus ancrée, plus vraie. Car, chez Delphine Costier, peindre revient à respirer. Et respirer, c’est déjà une manière de créer.


Dre Marie Bagi

Directrice du Musée Artistes Femmes (MAF)

 

Publié le 4 novembre 2025




 
 
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