Alexia Weill - sculptrice
- Marie Bagi
- 3 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 nov.

Alexia Weill, entre le cercle de pierre et le digital
Chez Alexia Weill, la création est un prolongement naturel de la vie. Parisienne d’origine, née dans une famille profondément enracinée dans le monde de l’art, un grand-père galeriste, une grand-mère comédienne de la Comédie-Française, elle grandit au milieu des tableaux et des mots, dans cette atmosphère où la matière, la scène et l’imaginaire s’entremêlent. Très jeune, elle perçoit l’art comme un espace de dialogue entre le visible et l’émotion.
Après des études en audiovisuel et une immersion dans le cinéma et la télévision, Alexia découvre, presque par nécessité, le contact avec la matière. C’est dans l’atelier de modelage de Jean-François Duffau, aux Beaux-Arts de Paris, qu’elle éprouve le besoin viscéral de « toucher » la création. Cette rencontre avec la matière deviendra fondatrice. Installée en Suisse dès 2005, elle se consacre pleinement à la sculpture sur pierre : marbre, granit, basalte. Pour elle, la pierre est vivante ; elle respire, écoute, répond. Elle devient une complice, un miroir des émotions humaines.
Depuis seize ans, Alexia sculpte la pierre comme nous écrivons une histoire intime. Ses œuvres monumentales, souvent ancrées dans l’espace public, dialoguent avec les lieux qu’elles habitent. La forme du cercle, qu’elle explore depuis ses débuts, traverse toute sa démarche. « C’est une forme féminine, douce, complète », confie-t-elle. Le cercle évoque la continuité, le mouvement, la vie. Chaque œuvre est pensée comme un mandala minéral, une méditation sur la relation entre l’humain et la nature.

Sa première grande œuvre, La Vague, rend hommage à Camille Claudel (1864-1943). Exposée pour la première fois sur les eaux du Léman, elle place la femme au cœur du mouvement, dans la vague et non sous elle, affirmation poétique d’une féminité libre et puissante. Depuis, la sculpture d’Alexia s’est ouverte à de nouveaux horizons, tout en gardant ce souffle symbolique.
En 2020, elle amorce un tournant vers l’art digital, cherchant à transcender les frontières entre réel et virtuel. Elle crée Immersive Galaxy, une sculpture numérique immersive visible à travers un casque de réalité virtuelle, présentée dans le magazine Prismes et lors d’une exposition de NFT à la Haute École Pédagogique (HEP) de Lausanne. Ce projet la conduit jusqu’à Cannes, puis aux Nations Unies à Genève, où elle représente l’art digital suisse, preuve que pour elle, la sculpture ne se limite plus à la matière, mais devient une expérience sensorielle totale.
Son œuvre évolue alors entre concret et virtuel, entre monumental et immatériel. En 2024, elle présente une deuxième collection inspirée du quartier du Flon à Lausanne : un travail sur l’urbanisme et l’architecture, sur la façon dont les formes sculptées peuvent habiter et redéfinir la ville. Alexia y sculpte littéralement l’espace public, en dialogue avec la géométrie des façades et la densité du béton.
Cette volonté d’inscrire l’art dans le réel se retrouve aussi dans Dessine-moi un mouton, installation installée sur le giratoire de Saint-Légier, sept moutons de marbre qui évoquent la douceur, le rêve et l’enfance. Elle collabore ensuite avec la commune de Morges pour une sculpture dans l’espace public ainsi qu’avec le collège de Bussigny autour d’un projet inédit : quatre sculptures en réalité augmentée, dont la dernière repose au centre d’un étang créé spécialement pour accueillir l’œuvre. Ces créations traduisent son désir constant d’harmoniser l’art et le lieu, le geste et la nature.
« Une œuvre doit être là où elle doit être », dit-elle souvent. Pour Alexia, l’art est indissociable du contexte : il prend racine dans un espace urbain ou naturel, et en révèle la poésie cachée. Monumentales ou discrètes, ses sculptures naissent d’un dialogue avec le site, comme si chaque lieu lui soufflait la forme à venir.
Au fil des ans, elle multiplie les collaborations et les symboles. Elle conçoit les trophées du Elles Spirit Open (tournoi international de tennis féminin), celui du Leguriviera dédié aux chefs en entreprise (trophée culinaire), ainsi que le prix de la Promotion économique Riviera-Lavaux. En 2025, elle réalise le trophée de la Femme remarquable pour le CLAFV, autant d’occasions d’inscrire la sculpture dans le quotidien et de célébrer l’excellence au féminin.
Exploratrice dans l’âme, Alexia ne cesse d’expérimenter. Après seize ans de pierre, elle s’autorise le mélange : le bois, la résine peinte, le béton pigmenté, l’argile. Elle récupère la poudre issue de ses sculptures de marbre pour créer de nouveaux matériaux, dans une démarche éco-responsable. La pierre, même transformée, demeure le cœur battant de son œuvre ; elle la réinvente sans la trahir.
Son univers s’étend désormais à la toile : elle investit le canvas comme un nouveau territoire de jeu, entre dessin, coloriage et techniques mixtes. Là encore, le cercle persiste, décliné en fleurs, en spirales, en formes spontanées. Dans ces œuvres plus légères, elle retrouve la part enfantine de la création, cette liberté instinctive où la main suit l’intuition avant la pensée.
Dans la sculpture comme dans le dessin, Alexia crée pour habiter le monde : sculpter un espace, révéler un lieu, offrir un fragment de silence. Son œuvre, à la fois monumentale et intime, s’inscrit dans la matière comme dans la mémoire des paysages. Entre pierre et lumière, entre réel et virtuel, elle façonne une poétique du vivant, une œuvre qui ne s’impose pas, mais qui respire avec ce qui l’entoure.
Dre Marie Bagi
Directrice du Musée Artistes Femmes (MAF)
Publié le 5 novembre 2025





